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La baguette tragique

Publié le par drink 75

 

Je vois son sourire quand j'entre dans le rade et je sais déjà qu'il se réjouit de m'annoncer des horreurs. Champagne. Il n'a pas changé le mort de faim, mais cet espèce d'air satisfait de lui, les mots qu'il a remués et préparés dans sa bouche et qu'il va me servir avec une délectation non dissimulé me donne immédiatement l'envie de le claquer et m'ôte toute la pitié et la bienveillance que j'ai eu pour lui depuis mon retour. Je vais au comptoir, ça ricane un peu, je sens qu'ils vont tous me plaire aujourd'hui. Je me sens relativement serein, mais je pose un air un peu désesperé sur mon visage, je veux qu'ils se laissent  aller. Une bière pour le vieux, je dis au serveur, ça le fera parler je ricane, et une bière pour moi. La première et la dernière de la soirée, rigole celui-ci. J'en connais une, pas  besoin de bière pour "s'ambiancer" dit un joueur de cartes et une bonne partie du bar vacille de rire. Le magicien arrive par-derrière, ça ne m'étonne pas de lui. Vous cherchez quelqu'un me demande t'il ? Le bar ne rit pas, mais tout le monde retient son souffle. Non je lui dis, je faisais un petit tour avant de rentrer. Oui, votre femme doit vous attendre il dit d'un air fataliste. Je ne réponds pas. Je sais très bien ou il veut en venir. Il est pire que moi, je me rassure, il est encore plus nul et pathétique que moi comme enquêteur. Si moi j'ai des gros sabots, lui c'est toute la cavalerie. Je me rends compte a quel point je suis pathétique quand je crois cuisiner le fantôme et qu'elle me voit arriver de très très loin là-haut sur la montagne et prend un air gêné pour ne pas me froisser. J'ai honte. Vous voulez me dire quoi ? Je demande au magicien, vous voulez que je ressente de la culpabilité, je ressens de la culpabilité, vous voulez que je me morfonde, je ne me morfonds pas, vous voulez que je vous dise ce que je ressens, vous n'en saurez rien. Silence sur le bar. Silence absolu. Et si on faisait un petit karaoké, demande le vieux au comptoir. Et là tout le monde explose, mais explose littéralement de rire. Même moi j'apprécie que toute la tension retombe. Le magicien, lui, ne rit pas. 15 ans qu'il veut tremper sa baguette avec le fantôme sans parvenir a ses fins, ça doit créer des frustrations. Il va s'asseoir. Je prends mon verre et je le suis. Je m'assieds près de lui sur le canapé qui fut en skaï quand lecanuet s'est présenté aux élections. Le kennedy français, oui c'est ça et le bar c'est celui d'happy days ? Pourquoi elle est partie capitaine, me demande la magicien. On s'en fout je dis, puisqu'elle est revenue. Pourquoi vous ne l'avez pas attendue ? il demande, toutes vos belles paroles, c'était quoi ? Je croyais qu'elle ne reviendrait jamais, je dis, je le croyais vraiment. La vie a décidé pour moi, ca ne veut pas dire que je ne suis pas malheureux parfois, ça ne veut pas dire que je regrette mes choix, ca veut juste dire que c'est ainsi et que je n'y peux rien.  Qu'est ce qui me prends de lui raconter ma vie, je me demande. Elle ne veut pas de moi, hausse le magicien, encore et toujours fataliste, je ne suis pas assez léger je crois. Là, par exemple elle est où ? Ouais, vous n'êtes pas assez léger, je lui réplique. Vous savez je dis a magie majax, elle n'est pas revenue pour moi, elle n'est pas revenue pour vous (ah non ça aucun risque je ricane intérieurement), elle n'est pas revenue pour elle. Elle est revenue, c'est tout. C'est comme ça. Elle sait bien qu'une partie de sa vie est ici avec vous tous (mais non pauvre andouille je pense intérieurement, juste avec moi), mais ça ne veut pas dire que toute sa vie est ici. Il n'y a pas un contrat d'exclusivité, c'est pas une agence immobilière. Il me regarde. Ca fait un peu paolo coelho mes conneries mais il a l'air de les gober. Je termine ma bière. Avant j'en aurais bu dix je me dis, avant je me serais apitoyé sur mes taches de rousseur, avant j'aurais hurlé au bar comme j'étais malheureux. Pas peu fier de moi, ( on a les combats qu'on peut) je ramène le verre. Pas de fantôme a l'horizon ? ose le vieux, rendu gaillard par l'afflux soudain de houblon du précèdent verre. Vous aviez rendez vous je demande ? Il me regarde en se demandant si je rigole. Ah non je pensais, commence t'il... Je le coupe au moment même ou tout le bar se tait. Vous pensez, je mets a hurler,  vous pensez ici ? Vous devriez arrêter, faites la fête quand la plus belle femme du monde daigne se mêler a vus, ambiancer vos corps fatigués et vos tronches de cake, chanter avec vos voix de petits vieux, buvez des coups quand je vous en offre. Mais arrêtez de penser. Vous ne pouvez pas penser. Vous ne pouvez pas comprendre. Et c'est pas ce qu'on vous demande. Ce n'est vraiment pas ce qu'on vous demande, je dis avant de refermer la porte en me disant que je suis  un escroc mais que je fais des progrès. Vous ne pouvez pas comprendre, je répète en me rendant au bateau, d'ailleurs moi non plus, je dis aux mouettes en rigolant.

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