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A l'assaut du rien

Publié le par drink 75

 

Nous sommes dans la campagne, il fait encore vaguement jour, le paysage n'est que neige. Brouillard. Un moment il me semble que nous traversons la ville natale de raphael lemkin.  Nous avons trop picolés avec le garçon qui sourit tout le temps - ce qui n'est pas courant dans le pays du milieu ni dans ceux alentours - et la fille très grande et vaguement dépressive nous ramène. Nous avons pas mal bus chez la vieille femme qui vit avec ses chats, loin de tout, qui prends son vélo pour aller chercher son courrier. Cette toute petite femme qui est loin de tout, au milieu des glaces et de la neige et qui n'a quelques voisins et son vélo pour se raccorder au monde. En revenant vers la ville, nous nous arrêtons pour acheter de la bière noire au supermarché. Je sais que je ne peux pas dormir, je veux voir tout le monde, je veux revoir tout le monde, je veux juste un peu vivre dans le froid et la nuit. Toucher le gel. Je croise des enfants, je croise des mères, je croise des vies, des regards, des douleurs. L'énergie des rudes, des fantasques, des alcooliques et des ratés. J'appréhende déjà le retour au pays des fragiles. J'appréhende. 

 

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Torturez l'artiste !

Publié le par drink 75

 

Tout le monde a un vide à combler. Le mien s'est construit toute ma vie, depuis tellement longtemps que je ne m'en souviens plus. C'est ma faute. Je prenais tout au sérieux. Mais maintenant, j'en suis à un point où ça m'est égal que vous soyez un black bizarre, un infirmier aux cheveux longs ou un alien sexy. Je n’en ai plus rien à faire. Si vous comblez mon vide, je comblerai le vôtre.

                                                                         Joey Goebel

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Eroder sa carcasse.

Publié le par drink 75

 

Je vois la visage de la fille et je comprends que c'est celle que je ne connaissais qu'avec un masque. Ca fait longtemps, je lui dis. 2 ans elle me réplique. Elle est plus jolie sans masque alors que mon expérience m'a montré que c'est plutôt l'inverse en général. Ca me fait plaisir de vous voir, elle me dit, comme si elle se doutait que je dois penser qu'elle me trouve moche maintenant qu'elle voit ma gueule. Surtout qu'on ne s'est jamais vraiment vue, je réplique. Pendant mon séjour dans la ville du milieu je me rends aux 80 ans du vieil homme. Nous sommes intimes depuis que je lui ai tenu la bite pour qu'il puisse pisser dans un seau a l'hôpital vu qu'il n'y a qu'une seule toilette pour tout un étage dans les hôpitaux du pays du milieu. Pour les malades et les médecins.  Il me raconte que le machin qui gère les retraites a appelé quelques jours auparavant pour demander s'il était toujours en vie. Et comme il a eu 80 ans, ils ont décidés de lui donner une prime pour fêter ça. L'espérance de vie est de 65 ans pour les hommes dans le pays du milieu et je rigole en lui disant qu'il doit être un des doyens du pays. La fille maigre du marché a disparu en même temps que le covid et comme je suis arrivé avec le covid dans la ville du milieu, je ne l'ai jamais connu sans. Elle a un beau visage pas émacié comme on pourrait le penser; pour une nana ultra maigre. Elle me rappelle la fille que j'aimais bien avec laquelle j'ai eu une petite relation mais qui m'a larguée quand elle s'est rendue compte que je me tapais une autre fille : la petite meuf enfant gâtée de province qui venait baiser chez moi une fois par mois. Bien fait pour ma gueule. Il est tôt au marché de la ville du milieu et la vendeuse de fruits et légumes boit encore son café, je commence par lui prendre des pommes. On s'était dis qu'on se boirait l'apéro après un marché, du coup on l'a jamais fait,  elle me lance. A l'anniversaire de celui qu'on appelle grand-père même s'il est arrière-grand-père, je discute avec le garçon auquel j'ai prêté l'argent pour acheter sa voiture. Quand il s'est marié il y a deux ans, mariage auquel je n'ai pu venir a cause du covid, je lui ai dit d'oublier ce prêt et qu'il n'avait pas besoin de me rembourser. La monnaie du pays avait tellement chuté que je savais que me rembourser serait très compliqué et j'étais dans une telle merde financière que quelques milliers d'euros de plus ou de moins semblaient anecdotiques. Il me dit qu'il fait chauffeur de taxi pendant ces vacances. Tout le monde bosse ici quand il a des vacances, de toutes façons il ne peuvent pas vraiment bouger et il n'en ont pas les moyens. On devait prendre l'apéro avec la fille toute maigre du marché que je n'ai pas vu depuis 2 ans ? J'en ai pas souvenir. Pourtant c'est encore ce qui me fait vivre, les souvenirs...

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Parmi les sombres.

Publié le par drink 75

 

Je dis a la jeune fille que j'aimerais mieux ne pas avoir les détails, la très jeune fille que je trouvais si jeune pour être enceinte et qui m'a expliqué que c'était son troisième enfant, la très très jeune fille qui pensait que j'avais 40 ans comme sa mère, la très très jeune fille qui était tellement surprise que je lui cite la capitale du pays d'Afrique d'où elle vient,  persuadée que personne ne le connaissait. J'aimerais mieux ne pas avoir les détails je lui ai expliqué quand elle a voulu me raconter son excision. J'avais la gueule de bois il faut dire, depuis une semaine ou deux, les hectolitres de vodka bus dans la neige, ne s'évaporant pas aussi facilement que je le subodorais. Mes collègues semblaient soulagés que je sois revenu, et je leur ai expliqué que j'avais passé plus de temps a essayer de passer les frontières, qu'a me rouler ivre mort dans la pampa pré-sibérienne. Après m'avoir expliqué que je ne sais plus qui de sa famille se pointait avec un couteau pour me raconter son excision, la jeune fille  m'a demandé quel âge avaient mes enfants, je n'en ai pas je lui répondais alors qu'elle me demandait pour quelles raisons j'avais un siège bébé a l'arrière de ma voiture. Il s'est passé un truc incroyable m'a expliqué ma collègue en riant, alors qu'une autre me disait ah oui il s'est passé un truc vraiment incroyable.  Je les sentais a moitié rigolarde mais somme tout choquée. J'ai eu une promotion je leur ai demandé ? Je montre le centre Emmaüs qui est juste à côté de chez elle à la jeune qui n'a pas pu me raconter son excision,  je suis fasciné par le nombre de centre Emmaüs qu'il y a dans la ville du milieu et ses alentours. Celui ci est super pour les fringues pour enfants je lui explique. Celui près de chez moi est parfait pour les livres je lui explique pas. Celui de la ville du sud est pas mal pour les fringues je n'ajoute pas. Il s'est passé un truc entre le jeudi soir et le lundi matin, m'explique ma collègue. Le vendredi il n'y a personne de l'équipe qui bosse au taff, comme si on voulait se donner l'impression d'être déjà en week-end en faisant du télétravail. Pour la vaisselle, le mieux c'est le centre Emmaüs qui est a trente bornes d'ici j'explique a la jeune fille en lui révélant en avant première les bons plans de mon guide des centres Emmaüs. Et oui, m'explique ma collègue avec un air furibard, tu ne vas pas le croire, mais pendant le week-end on nous a volé notre boîte de bonbons. Qui voudrait piquer les trucs infâmes qu'elles bouffent toute la journée je me demande. C'est bizarre de ne pas avoir d'enfants me dit en souriant avec son air si juvénile la jeune fille d'Afrique. Il y a quelques mois, on nous avait piqué notre cafetière j'explique a mes jeunes collègues d'un air blasé, je crois qu'on a affaire a un sérial-voleur qui pique des trucs à la con. J'ai envie de boire, de rire et de pleurer dans la neige, avec tous ces gens cassés je me dis. Au milieu du rien, au milieu des miens. 

 

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Dans le flou.

Publié le par drink 75

 

Tel Mitterrand dévorant des ortolans pour son dernier réveillon, quelques jours avant de mourir, mon père a réclamé des huitres pour ce qui fut un de ces derniers repas. J'en fus un peu surpris car mon père n'avait pas une appétence particulière pour les huitres, n'était pas né en bord de mer et je ne pense pas qu'il en ai mangé beaucoup dans sa jeunesse, la guerre empêchant sans doute la traversée de la bretagne pour rejoindre la mer. Je pensais a cela en traînant dans la campagne froide, alors qu'il pleuvait à cause de la douceur du jour, on annonçait de la neige pour les jours suivants mais ce vendredi il pleuvait. Je pensais a mon père car je me disais qu'il avait toujours fait les bons choix dans sa vie, du moins de son point de vue, je pensais a lui car je me dis que j'étais l'exact inverse. J'avais toujours fait les mauvais choix. Toujours. Je me demandais si ma vie aurait été différente si j'avais parfois choisi les bonnes personnes, pris les bonnes décisions. Au fond ça n'avait aucune espèce d'importance. C'était le seul avantage de vieillir, on se rendait compte que les choix n'avaient que peu de répercussions sur sa vie. Il pleuvait de plus en plus fort ce qui ne manquait pas de me surprendre, car il neigeait toujours a cette période. Ce serait pour demain et puis les autres jours. Le gouvernement français conseillait de quitter le pays. C'était drôle comme moi qui n'ait aucun courage dans la vie, ne m'inquiètait pas et comme ses recommandations me laissaient totalement hermétiques. L'avantage de vieillir c'est qu'on avait plus vraiment peur, on allait tranquillement vers la mort, comme tant d'autres avant nous, tant d'autres après nous sans qu'on n'y attache trop d'importance. Rien n'avait plus vraiment d'importance. Presque rien. 

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Parfois, lentement.

Publié le par drink 75

 

Le matin je dépose les grains de café dans la machine pour les moudre. Comme le faisait ma mère. C'était souvent le premier bruit que j'entendais quand j'étais enfant.  Le bruit des grains de café moulus. Je n'arrive pas à déterminer si vieillir c'est toujours regarder en arrière car il n'y a plus tellement d'avenir, ou, se remémorer le bon vieux temps en comprenant que l'inconnu sera de moins en moins prégnant, aura de  plus en plus, tendance a disparaître. Je change de destination au dernier moment, car le pays du milieu a fermé certaines frontières et je préfère essayer de passer par le nord. Tout le monde me déconseille fortement de m'y rendre. Ma vie est devenu un tel tunnel d'ennui que je n'ai pas vraiment peur. Pourtant je ne suis pas quelqu'un de courageux, je sais que je n'aurais pas été résistant pendant la guerre. Mais j'ai besoin de l'énergie du pays du milieu. Les gens me manquent. Je ne les ai pas vus depuis plus de 3 ans. Le vieil homme qui va bientôt mourir, la jeune fille toujours en colère, le garçon avec le sourire en coin, la fille un peu triste....Ils me manquent tous. J'aime leur fatalisme, leur nostalgie, leur absence d'espoir. Ici, tout le monde m'emmerde. Je prends l'avion pour la jolie ville près de la mer baltique, Un peu d'inconnu, de dérives, d'ivresses, c'est tout ce à quoi j'aspire. Loin de tout cet ennui. Loin de toute cette vie.

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Errer dans le brouillard.

Publié le par drink 75

 

Ce n'est pas que Paris ne me plaise plus, que le bruit me gave, que tous ces gens qui semblent courir ou rouler ou foncer vers je ne sais quoi me gavent, non, c'est juste que la ville me semble inconnue, et comme qui dirait lointaine. Je suis un étranger. Je sonne pendant une plombe a l'interphone de l'ambassade puis j'attends pendant des plombes qu'on me réponde. Je n'ai jamais vu personne ici, comme si, personne n'avait l'idée saugrenu hormis mézigue de demander un visa pour le pays le moins touristique d'Europe. Une femme me parle dans l'interphone puis me dit que je peux rentrer et que je dois faire le tour pour entrer sur le côté. L'endroit est minuscule. Je n'y ai jamais vu personne, hormis la personne derrière la vitre. Je traîne dans paris, au milieu des touristes, je me sens comme hors de mon corps, un peu comme si je déambulais dans un faux décor. Paris ne m'intéresse plus, je comprends qu'un jeune puisse adorer mais je dois être trop vieux, tout me parait factice. Plus tard, je traîne a Montreuil, mais les autres me semblent en carton pâte. Je n'ai plus d'intérêts pour les autres, surtout ceux d'ici qui ne pensent qu'a geindre, se plaindre et chialer. Pauvres petits occidentaux. J'ai envie de froid, de ténèbres, de nuit et de neige. Je n'ai plus l'énergie. D'écouter le vide. C'est mieux que je ne fréquente plus personne, je ne suis plus fait pour la parole. 

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L'enfant du silence.

Publié le par drink 75

 

Tu ne peux pas imaginer ce que c’est de vivre dans mon cerveau. C’est différent. Je ne parle pas seulement des évidents symptômes de la psychose maniaco-dépressive. Même quand je vais bien, je suis différente. Quand j’étais jeune, je voulais être comme tout le monde, je regardais tout le temps les gens pour apprendre à être comme eux. Et à chaque fois, j’en faisais trop ou je faisais quelque chose qui les fermait et les éloignait, j’avais honte. C’était comme cette vague noire avec une crête violette comme de la bile qui déferlait sur moi. Mais je ne ressens plus cela. Et fait, ça me plaît, d’être différente, d’être complètement la personne que je suis.  Mais c’est fragile, et c’est quelque chose que j’ai fini par négocier toute seule, sans aide. Maintenant, tu veux retransformer cette identité, et tu ne peux pas. Il n’y a que moi qui puisse changer ce que je suis, et je ne veux pas le faire. Mais cela ne veut pas dire que ce que je suis ne veut pas de toi. Je veux de toi.

 

                                                                             Abigail PADGETT

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Apurer les sentiments.

Publié le par drink 75

 

Les gens n'ont pas d'âme, que veux tu que je te dise d'autre ? Ils aiment se cramer a la lumière des feux qui scintillent, ils font croire aux autres qu'ils ont une quelconque importance, mais au fond d'eux, ils s'en foutent de toi. Carrément. Totalement. Les gens n'existent pas. L'enfer ce n'est pas les autres. Les autres sont juste du vide. Tu as sans doute essayer de remplir ta vie, ta douleur, tes espoirs avec les autres, mais je sais qu'au fond de toi tu savais que ça ne rimait a rien. Du tout.  Mais je pense que tu y a cru. Je le pense. Ce n'est pas possible autrement. Tu as cru en la sincérité des autres, en ces mots qu'ils récitaient. Ces sentiments que tu attendais. Je sais qu'un jour, enfin je le crois, je sais qu'un jour tu as compris que tout le monde se foutait de ta gueule. Tu en a eu assez. Il ne faut pas croire. Il ne faut pas y croire. Aux autres. J'aurais préféré te le dire et te regarder pleurer. Ton corps qui se balance au bout d'une corde ce n'est pas ce a quoi je m'attendais. A quoi je m'attendais ?

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La tournée du loser.

Publié le par drink 75

 

Une ancienne collègue de paris a laquelle j'ai écrit pour une raison a la con me dit que mon optimiste lui manque, que ma joie de vivre lui donnait parfois de l'énergie.  C'est rigolo je me dis en repensant a notre échange épistolaire de la veille, alors que je longe le parc du château, je ne connais pas d'être plus dépressif que moi. Avec énergie certes, mais dépressif tout de même. Après le parking du château, et la succession de maisons de retraite,  je remonte la petite rue qui mène a la place qui porte le nom d'un président de la quatrième république. J'ai l'impression que le marché est plus resserré.  Je travaille presque tous les samedis désormais et je ne suis pas venu au marché depuis décembre. Une fille avec laquelle je bosse au taff s'est demandé si je n'avais pas le plus gros salaire de la boîte. Tu bosses tout les samedis, tu vends tes RTT, tu vends tes congés, tu vas clamser riche elle m'a expliqué. Si je ne fais pas ça, je suis presque a la rue je lui explique, sans qu'elle me croit. Je suis un peu désorienté par le marché, c'est plus condensé, tout le monde se touche et il n'y a plus de place pour circuler. Je trouve le gars qui vends des poires et des pommes, et sa fille apparaît alors que je constate qu'il y a encore des poires. C'est quoi ce bordel je lui demande, pourquoi ils ont tout regroupés ? C'est depuis le premier janvier elle m'explique, on est revenu a comme c'était avant le covid. Avant le covid, je ne m'en souviens pas, je lui dis. Je me rends compte un peu plus tard, que je venais pas a ce marché avant le covid puisque je vivais vers la gare et que j'allais au marché du dimanche pas très loin de chez moi. Je galère un peu pour trouver le gars qui vends des légumes et des pommes, l'étudiante sous pétard qui fait office de vendeuse me fait un grand sourire et me dit qu'elle se demandait ou j'étais passé. Comme je ne sais pas trop quoi lui répondre, un peu étonné qu'elle ait remarqué mon absence, je fais un cours sur la préparation du chou fermenté devant un auditoire attentif. Je vais ensuite au fromage, ou Ludivine me fait un grand sourire puis me fait goûter un nouveau fromage de brebis. A la semaine prochaine elle me dit quand je me barre, alors qu'elle sait très bien que je ne reviendrais pas de sitôt. Tiens, un revenant ! s'exclame la mère du traiteur alors que viens acheter ce summum de délicatesse et de légèreté que sont les tartelettes à la rillette.  J'ai l'impression d'être un rock star ou plus simplement je suis le seul rouquemoutte qui fréquente le marché. Je vais même pas voir le couple qui vent du vin. J'ai plus l'énergie de picoler, et j'ai plus les moyens. Je mourrais a jeun. Ce sera bien la première fois de ma vie que je vivrai un truc a jeun. C'est con ce sera le dernier. Le dernier truc. Mourir a jeun. Chouette épitaphe. 

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