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Dans nos manches.

Publié le par drink 75

 

Une fille vient vers moi et me demande de lui apprendre quelque chose qu'elle ignore. Tu savais que le petit-fils de Gauguin a aidé l'assassin de jean Jaurès a bâtir sa maison aux baléares ? La fille me regarde, un peu interdite, je crois qu'elle voulait que je lui donne un ragot du taff mais j'en ai pas vraiment. Elle s'éloigne. Je picore quelques conversations dans l'immense baraque que mon collègue et son copain se sont achetés. J'ai trouvé une fille qui ne boit pas pour m'emmener a la fête. Nous sommes loin de la ville. C'est une baraque de village, immense, tu m'étonnes qu'ils veulent faire des chambres d'hôtes. Ils ont eu raison de faire la crémaillère avant de s'y mettre. Les travaux me paraissent titanesque. Bon, il est vrai, j'explique a un gars de mon taff auquel je tiens le crachoir, que pour enlever un abat-jour dans mon ancien appartement je suis obligé de faire venir un tchétchène. Le gars me regarde et je me demande ce qui le choque le plus, que je ne sache pas dévisser un machin électrique ou que j'emploie un tchétchène. Il y a pas mal de gens du boulot a cette fête,  ils semblent tous me connaître alors que la moitié me disent vaguement quelque chose. C'est ma tronche. Les rouquemouttes ça passe jamais inaperçu. Je traîne pas trop dans les conversations, ca parle nouveau téléphone portable, nouveau tatouage, version jeune, et ça parle enfants dans les conversations parentales. Une fille qui s'était retrouvé a l'hôtel pour une histoire assez glauque avec son mari et qui m'a donné le plan pour avoir un appartement par le boulot me demande des nouvelles de mon déménagement. C'est presque fini je dis. Je suis content. Il y a du bruit, l'entrée sent la pisse, des meufs bourrés traînent a Lidl, les décorations de noël sont ultra criardes dans les rues, c'est vraiment le lieu dont je rêvais. C'est mon élément. Elle se marre. J'en pouvais plus du cauchemar climatisé ou je vivais, c'était pleasantville, c'était pas pour moi. Une résidence pour jeunes actifs qui passent leur loisir en salle de sport. Pas du tout pour moi. On est plus devenu proche avec la fille très maigre du boulot car on fait toutes les heures supp ensemble et, elle, étant encore plus courageuse que moi ou plus fauché, venait bosser sur place le week-end pour palper l'indemnité kilométrique alors que je restais au chaud en télétravail et que je me contentais d'un ticket-resto. Je me sers un gin-tonic au bar accessible a tout le monde et c'est fou comme cette boisson me semble datée. Dépassée. Frelatée. Mais comme c'est un des putains de meilleurs trucs que j'ai jamais bu dans ma vie. Quand je vais crever, un des derniers trucs dont je vais me souvenir c'est le goût du gin-tonic. Son parfum. Une fille se marre au loin. C'est bien cette fête juste avant le jour de l'an. Comme ça s'est fait. On s'en fout du réveillon on peut passer a autre chose. Passer a autre chose. 

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Se faufiler dans la brume.

Publié le par drink 75

 

J'ai essayé de calculer combien de fois j'avais déménagé au cours de ce millénaire. L'an2000 je l'avais fêté a Toulouse, a l'époque j'habitais chez les bouducons, puis ensuite il y avait eu Bruxelles, la banlieue parisienne, paris, et la ville du milieu ou j'en étais a mon troisième appartement. Une bonne dizaine de déménagements, peut-être plus en une bonne vingtaine d'années. Je me dis que celui-ci est le dernier, il y a un coté romantique a penser a cela. C'est peut-être vrai, peut-être pas. Je me sens apaisé, l'immeuble n'est pas clean comme le précèdent, il n'y a pas de jeunes filles bien sages et polies. Il n'y a que des vieux, ca sent la pisse, les chiens sont dans le même état que leur maître, c'est a dire un peu usé, un peu un pied dans la tombe. Des familles aussi, des gens qui ne parlent pas vraiment le français. Je suis parmi les miens, les losers, les ratés, les alcooliques et les paumés. C'est ce que je dis a l'enfant, il y a du bruit, des gens paumés, des vieilles bourrées a l'entrée du Lidl. Mais c'est le monde. C'est notre monde. Nous sommes a notre place, ici. Elle semble convaincue, heureuse, elle me dit qu'il y a du bruit et que c'est mieux que le silence monacal du précédent logement. Elle semble convaincue.  Ou alors c'est pour ne pas me contrarier. Pour ne pas me faire flipper. 

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La mort n'oublie personne.

Publié le par drink 75

 

Je ne connaissais que toi, et personne de ton entourage. D'ailleurs avais-tu un entourage ? Une sœur et un neveu aux états unis, un cousin en Pologne.  J'ai l'impression que tu étais comme beaucoup de ces femmes qui vivait dans une grande solitude a la capitale. C'est ta sœur qui m'a répondu en anglais que tu étais décédée d'un cancer du sein alors que je t'écrivais pour te demander si on pouvait manger ensemble. Je suis resté interdit devant mon téléphone car je t'avais vu en octobre et tu ne m'avais pas dit que tu étais malade. Ta sœur m'a répondu que tu étais très secrète et que personne n'était au courant de ta maladie. Je me suis senti vaguement déprimé tout a coup, car j'ai compris qu'il n'y aurait pas d'enterrement, personne avec qui partager le deuil, échanger des souvenirs. Ces choses un peu idiotes mais qui donnent un peu de lumière. La dernière fois que je t'avais vu, tu m'avais parlé de succession, de ton désarroi que ton neveu que tu considérais comme un connard hérite de tout. Je me souviens que tu voulais que j'aille en Pologne, dans ta maison, dans la banlieue de Varsovie, et je te répétais toujours que Varsovie était moche contrairement a Cracovie, et tu me disais que c'était normal vu qu'ils avaient collaborés les habitants de Cracovie et pas résistés comme ceux de Varsovie. Je voulais demander a ta sœur si tes cendres étaient quelque part dans Paris, cette ville que tu aimais tant et que tu ne quittais jamais depuis ton arrivée en france dans les années 80. Ta sœur m'a dit de ne pas être triste et j'ai répondu que je prierais pour toi, et je me suis demandé pourquoi j'avais dit ça. Tu vas me manquer. Je crois que je sais désormais ce que veut dire vieillir, ce n'est pas cette impression diffuse que le corps se rebiffe, ce n'est pas cette fatigue continu sur les histoires des autres dont tu n'as rien a foutre, ce n'est pas cet éloignement du monde. Non. Vieillir, veut dire que tout ceux que tu as connu, tout ceux qui ont un peu accompagné ta vie, meurent. Comme s'il te préparait a ta propre mort. comme si peu a peu, leurs vies te quittaient avant que ta propre vie ne te quitte. Une mort par procuration, une mort en sursis. 

 

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