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Malgré tout

Publié le par drink 75

 

Le bar ne ressemble a rien. Enfin il ressemble au bar de tous les jours. J’arrive au comptoir et je regarde ce con de serveur.

"Une bière ? La première et la dernière ?" il me demande.

"Non pas une bière, je réponds, ni la première ni la dernière. Fini la bière."

Le vieux ricane. Donnez lui je dis au serveur.

"Ah ca y est, dit le vieux, même une bière vous n’osez plus. Même une ?"

Il a raison ce con. Je commande un café, de toutes façons je ne dors plus, alors autant boire un café, je mets un sucre. Ca me suffira pour manger.

"C’est douloureux, hein, de voir que les autres ont continué de vivre alors que vous êtes resté au même endroit."

Il a raison, je dis, c’est douloureux mais il a raison. Je suis resté comme il y a 10 ans, je suis resté comme il  y a 7 ans, je n'ai pas bougé, je n'ai pas changé. Je suis comme tout les cons du port. Eux non plus n’ont pas bougé.

"On ne voit pas le fantôme ce soir ?" demande le serveur.

Je ricane. Comme si j’étais bourré. Le fantôme préfère la compagnie des scientifiques intelligents, je ne réponds pas. Et qui s’y connaissent en animaux, je n’ajoute pas. Tout ce que je ne suis pas. Scientifique, intelligent, connaissant les animaux, tout ce que je ne suis pas. Et puis il doit avoir d'autres qualités, je ricane. Des qualités plus physiques.

"Je vais repartir du port, je dis au vieux, je me suis trompé, j’ai du travail ailleurs et ma vie n'est plus ici."

"Comment ça tu t’es trompé " dit le vieux.

C’est curieux je me dis j’ai l’impression d’être bourré alors que je n’ai pas bu.

"Tu ne t’es pas trompé, il reprends, c’est juste que tout n’est pas comme avant. Mais ce serait con de partir, et puis ça briserait un cœur."

Je ricane, oh mais je ricane, on dirait satanas dans les fous du volant. Ca briserait un coeur c'est la réflexion la plus drôle que j'ai entendu depuis longtemps. J’entends un toc toc lointain contre la vitre du bar auquel je ne prête aucune attention. Ca briserait un coeur, mais comment peut-on croire une connerie pareille. Ils sont tous sous sa coupe, ils croient vraiment qu'elle en a quelque chose a foutre. Le serveur regarde derrière moi et me dit, vous auriez peut-être du prendre une bière finalement. Je me retourne et je vois le fantôme derrière la vitre, qui me fait signe de venir.

"Bonjour madame pardon" je dis en franchissant la porte et elle réponds, "bonjour monsieur entame."

Nous rions  de bon cœur de cette blague que personne d'autre ne peut comprendre et puis nous prenons la direction du bateau. C'est curieux parce que j'ai envie de faire la tronche mais je n'y arrive pas, je me rends compte que ce n'est possible, qu'en son absence je peux la maudire et geindre mais que dès qu'elle est là, notre intimité, notre complicité recouvre tout. Le brouillard, la douleur, la souffrance. Plus rien n'existe d'autre que nous. Et sa gaieté.

"Tu n’étais pas venu boire ? me demande le fantôme.  Non parce que déjà qu’a jeun, tu ne comprends rien, quand tu bois, c'est encore pire, tu voyages tout seul dans ta tête et ça ne te réussi pas vraiment."

"Qu’est ce que tu fais là ?" je demande d’un air penaud.

Elle hausse les épaules et lève les yeux au ciel.

"Je ne sais pas, elle rigole, je me demandais ce que tu faisais, et je sais que dans ce bar tu ne fais que des bêtises."

"Je buvais un café,"  je réponds.

"Un café ! Tu ne dors pas et tu bois un café. Tu le fais exprès, elle me dit, tu veux  devenir dingue" elle me demande ?

"Mais et toi qu’est ce que tu fais là ?" je lui demande.

Elle me regarde avec un mélange de bienveillance et de colère froide.

"Et pourquoi je ne serais pas là ? Tu sais capitaine, il va vraiment falloir que tu dormes, que tu manges et que tu te détende. Cette manie du drame, c’est juste pas possible. Plus maintenant"

Je me rends compte de sa douceur, je me rends compte a quel point je l’aime, je me rends compte a quel point nous ne faisons qu’un, quand nous le voulons.  Et je comprends que parfois nous serons deux, mais que la plupart du temps nous ne ferons qu’un. Et puis elle doit déjà slalomer entre des hordes de mort de faims, de crevards, de tarés en tout genre, qu’est ce j’ai à en rajouter. Elle monte sur le bateau avec moi. Je n'ai plus envie de parler et elle non plus. Je la prends dans mes bras, et elle pose sa tête au creux de mon épaule. Je veux mourir là, je pense. Je veux mourir maintenant, pendant qu'elle me tient dans ses bras. Pendant qu'elle est encore là. Avec moi.

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