Ereinter les rêves
Je vais dans cet endroit ou les concerts sont gratuits, je croise ces gens que je connais, je croise ces gens que je ne connais pas, je frémis, je bois quelques verres, et puis je me demande si cette vie va me manquer, quand je serais dans l'autre ville que je ne connais plus, au milieu de tout, au milieu de rien, je me demande si cette vie va me manquer. Je traîne un peu hagard, un peu épars, comme si mon âme se disséminait sur belleville ménilmontant, comme si mon âme allait reposer au père lachaise, comme si mon corps se couchait à la butte aux cailles pour veiller sur toute ma famille morte. Je dis adieu aux rues, je dis adieu aux pavés, je ne sais pas si je reviendrais, je ne sais si je survivrais. Quand le gars m'a demandé comment je me définirais, j'ai répondu tintin sous cortisone, j'explique a ma chef. C'est ça fait le malin elle répète, tout le monde va pleurer quand tu vas partir, et le pire c'est que tu ne vas pas t'en rendre compte. La jeune fille dit que je suis une superstar, qui effleure les autres, la jeune fille dit que je ne comprends rien et c'est tant mieux comme ça. C'est ce qui te rend humain, elle m'explique. Tellement humain. Le crétin en toi. Je ne suis plus nulle part, je ne suis plus vraiment ici, je ne suis pas encore parti, mais c'est comme si, comme si j'étais entre deux songes, entre deux rives. Je souris et puis j'oublie, je pleure et puis j'hésite, ma vie est un tapis d'escalator qui monte et qui descend, qui tourne a vide, sans objet, sans verbe, comme un mensonge. Je pars avec un disque sous le bras, et un badge sur ma veste en jean noire, vieillir c'est recommencer a vivre, chaque matin, mais avec de moins en moins de surprises, de moins en moins de tout. De plus en plus de rien.