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Les déraisons

Publié le par drink 75

Les déraisons

Dans une autre vie, je me réveille en sursaut et je confonds mars et avril. J'ai vu le fantôme en rêve, je me suis vu alors que je prenais un train, et puis j'ai vu qu'on était le 16 et je me suis dis ça fait 4 ans et en fait non. C'était le 16 avril. Je soupçonne mon âme d'être un peu malade depuis que je suis revenu a paris. La femme qui vit toute seule depuis si longtemps m'envoie un sms pour me dire qu'elle est encore en vie. Je reçois des photos du mariage du sans papier et de ma meilleure amie, je vois un homme en costume, une carcasse fatiguée dans un costume étriqué. Je passe des heures dans un car, il est 3 heures du matin quand j'arrive a l'aéroport, je dors dans l'avion, j'arrive au boulot totalement ahuri. Je parle au garçon qui me raconte sa folie qui gagne alors qu'il devient ermite. Le vieillissement annonce cette litanie de la perte, cette habitude du deuil, vivre c'est juste repousser l'échéance, au fond, il ne reste que l'enfance, cette période de la vie qu'on ne comprend qu'après, cette époque de la vie qu'on ne comprend jamais. J'ai quitté la ville, il n'y avait plus de neige, j'ai rejoint paris, quinze heures plus tard. Curieusement je ne suis plus chez moi nulle part, c'est comme un rêve, un spasme. Je vis et revis le passé. Je vis et revis le fantôme, et plus les jours me séparent de la dernière fois ou je l'ai vu, plus la prégnance de son souvenir me hante. Désormais. J'ai bu ma dernière bière, alors que l'enfant pleurait, j'ai vidé ma dernière vodka alors que l'homme qui a l'humanité d'un aspirateur me serrait dans ses bras, j'ai offert une dernière fleur a la femme qui glousse quand je lui fais la bise, j'ai roulé une dernière pelle a la jeune fille qui ne devrait pas m'aimer, j'ai fais un dernier clin d'oeil a la fille qui rougit quand je lui parle, j'ai parlé au garçon handicapé qui s'est gondolé de mon accent, sa mère m'a remercié pour tout les cadeaux, j'ai dis au revoir a la caissière sympa du supermarché, j'ai voulu marché dans la neige mais il n'y en avait plus. Je suis un salaud, je suis une ordure, je le sais, c'est pas très grave au fond, je ne fais du mal qu'a moi, grâce a l'alcool. Je ne vais pas boire tout de suite, je le sais, je ne vais plus picoler, pour l'instant. Je suis immensément triste, je suis tellement heureux, depuis que le fantôme m'a quitté je n'ai plus de bras ni de jambes, je n'ai plus que mes doigts pour écrire sur un clavier, je n'ai plus que ma vie a coucher sur un écran. Il y a 47 mois, j'ai cru que ma vie venait de commencer, j'avais juste oublié que les autres vivent pendant que je vide des godets. J'ai juste oublié que les autres n'ont pas besoin de moi pour vivre, juste oublié que les autres n'ont pas besoin de moi.

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Suspendu dans l'avide

Publié le par drink 75

Suspendu dans l'avide

Je me rends compte a quel point je n'aime que les villes moches. Enfin qui a mon sens ne sont pas belles, j'aime assez l'idée qu'aucune beauté ne sortira jamais de ces villes qui semblent écrasés par une architecture foutraque, complètement a l'est. La beauté a couper le souffle de toutes ces villes italiennes m'a toujours fait gerber, j'adore bruxelles, je déteste bruges. J'aime beaucoup liège, je vomis amsterdam. Autant dire qu'ici je suis a ma place, parmi les barres d'immeubles immondes dans cet incroyable bavure architecture qu'est la ville dès qu'on sort du centre de la ville. Seul ce dernier garde une sorte de beauté qui date d'il y a 10 siècles, avec deux églises du début des années mille, d'ailleurs quand tu vas a la police faire tamponner ton visa pour expliquer que tu es en ville, tu ne dis pas que tu viens faire du tourisme, ça n'existe pas ici, tu dis que tu es étudiant ou professeur en architecture quand tu as l'âge de mézigue. Alors que les murs vibrent de plus en plus sous l'effet d'une musique assourdissante qui permet a des jeunes filles bien gaulées de se trémousser sous les ordres d'un professeur hystérique, je rajoute encore cinq kilos a l'appareil. J'en suis a 30, autant dire que les tractions me brûlent les avant-bras comme si un briquet me consumait de l'intérieur. Je traîne un peu dans les rues au retour de la salle avec les filles, celle qui devient toute rouge dès qu'on la regarde ou lui parle, veut acheter les ingrédients au supermarché pour refaire ma recette de tarte salé. Celle qui pleure déjà a l'idée que je reparte veut aller voir une boutique de fringues. Je me sens de plus en plus vide, incapable de comprendre tout ce que je ne suis pas, incapable de deviner ce que je vais encore faire a paris. J'ai l'impression de plus en plus prégnante de dériver vers une vie de songe, d'écrire des bulles de vide sur les pages de mon existence. J'adore cet exercice ou l'on va de gauche a droite pour soulever les poids avec les bras tout en gardant le corps bien droit. J'offre un porte-clés avec la tour eiffel au professeur de sport que j'aime bien avant de partir, il pose son poing sur son coeur et me sourit. J'en ai aussi offert un a la dentiste la veille, qui m'a détartré la bouche pour moins de 10 euros. C'est la première fois de ma vie que j'allais chez le dentiste sans entendre un putain de cours de morale infantilisant, c'était juste un pied pas possible. Je me prépare un café en rentrant du sport, que je bois par petites gorgées en regardant le jour gris et qui ne se lèvera jamais. Je suis nulle part et je suis bien, je suis loin de toutes ces discussions françaises qui s’insupportent, j'ai juste envie de ne plus bouger et de rester ainsi derrière ma fenêtre. Rester tapis derrière une fenêtre.

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Vodka sous la pluie

Publié le par drink 75

Vodka sous la pluie

L'homme sort sur le balcon. La première bouteille de vodka m'a bien fouetté, beaucoup plus que je ne l'aurais pensé. Je mange un peu de hareng accompagné d'oignon mariné. Essayer d'éponger. Plus tard au supermarché la jeune fille qui commence a avoir ses règles me fera acheter des tuc au chocolat, mais mal remis de ma surprise devant cette création culinaire hors du commun je me trompe dans les multitudes de billets que je donne a la caissière qui m'aboie dessus parce que je lui donne cent ville mille et qu'il y en a pour cent cinquante mille. Je mange de la salade de chou pendant que nous trinquons de plus en plus vite. Je bois ce qu'on appelle compote ici et qui est une sorte de sirop pour abréger l'effet de l'alcool. Le poulet aux patates est succulent. J'offre une plante et trois cent mille a la femme puisque pour la journée de la femme ici on offre des fleurs et de l'argent. L'homme sort sur le balcon, il allume un des petits cigarillos qu'il fume toute la journée. La seconde bouteille va m'achever. Un de ces alcools locaux qui ressemble un peu au cognac. Dehors il fait trop chaud ce qui explique sans doute que la pluie a fait son apparition, je préférais la neige. J'aimais mieux la vodka. Le nouvel alcool pique un peu, même l'homme me le signale en désignant sa gorge. Plus tard il va me montrer de la boxe, plus tard il va me montrer des avions qui décollent, je crois que ça a un rapport avec son père. La jeune fille qui vient d'avoir ses règles me dit qu'elle va venir a paris et qu'on ira a disneyland. Je retire 4 millions au distributeur. Il pleut tellement que je propose aux filles de prendre un taxi pour aller au repas de la journée de la femme. Ça coûte deux euros a tout péter, comme dans la plupart des pays du monde le taxi ne vaut pas grand chose ici et vu l'augmentation soudaine du prix du bas, a trois, ça revient quasi au même. La nuit j'ai mal dormi et j'ai fini par écouter en podcast une émission consacrée a althusser. J'apprends que pendant mai 68 il y avait un slogan qui disait "althusser a rien". On dirait du perec. Dans un autre siècle, je suis sorti avec une fille qui était pionne et qui a fait une dépression, et ce n'était pas que de ma faute, on l'avait envoyé a la verrière dans les yvelines, un immense parc avec des petites maisons ou séjournent tout les gens de l'éducation nationale qui ne sont pas frais. Plus tard quand j'ai appris qu'althusser était mort a la verrière, j'ai pensé que je l'avais peut-être croisé. Il faudrait que j'essaie d'écrire une nouvelle inspirée par althusser, un homme tue sa femme et n'en a aucun souvenir. Essayer de trouver le cheminement intellectuel qui se déroule ensuite dans son esprit, qu'est ce qu'on ressent je me demande ? Il y a un dessert au repas, une sorte de forêt nuit en un peu moins digeste, je me suis dis un peu auparavant que je ne pensais pas que la journée de la femme avait une telle ampleur par ici. En même temps, dans ma folle jeunesse, j'ai bossé dans une mairie communiste et je me souviens que toutes les filles avaient un bouquet de fleurs pour le 8 mars. Il ne pleut plus quand on repart. L'enfant n'est pas resté chez ses parents, elle veut encore dormir a la maison. Elle cherche de la gélatine pour tenter une expérience avec du coca. Un truc digne de pif gadget, l'idée était de créer un pain de coca en gelée. Mon corps accepte assez bien le repas et l'alcool. Je sais que le lendemain je vais souffrir a la salle de sport. Je ne suis pas ivre. Quand je mange, je ne parviens pratiquement jamais a l'ivresse pur de l'oubli. Je perds la mémoire quand je ne mange pas. Je perds parfois la mémoire.

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Tembler sous la barre

Publié le par drink 75

Tembler sous la barre

Un type me parle mais je ne comprends pas alors je réponds par cette phrase que je maîtrise très bien : Je ne comprends pas ce que vous me dites. Le type en reste interdit. Je ne comprends pas ce qu'il a voulu me dire, j'ai installé dix kilos de chaque côté et je pense que c'est de cela qu'il m'a parlé. Il voulait que je mette plus peut-être, ou moins, enfin je vois pas ce qui peut le défriser, surtout qu'il est chauve. Je réalise trois séries de 15 levé-couché sur cet appareil qui fait bien travailler les muscles des bras et ceux de l'épaule. Je souffre. Je n'ai bu qu'un café vu que le matin je ne suis pas vraiment capable d'avaler grand-chose. J'ai enfilé mes gazelles old-school de chez adidas - que j'ai payé a peine 500 mille ce qui m'a paru vraiment raisonnable- et j'ai traversé les barres d'immeuble sans fin. La veille j'ai porté mes gazelles pour marcher en ville et je me suis dis que c'était bien la première fois depuis plus de dix ans que je ne portais pas des docks aux pieds dans la rue. La mère de l'enfant handicapé dont je n'ai toujours pas compris le handicap nous a décommandé la veille car il était malade, c'était pas plus mal j'ai pu avancer un peu le troisième tome de knausgaard que je n'arrive pas vraiment a lire. Un homme amoureux je me souviens comme je l'avais dévoré, ne le lâchant pas, les sept cent pages lues en moins d'une semaine. Idem pour la mort d'un père. Mais la, jeune homme j'y arrive pas. Qu'est ce que l'enfance m'emmerde, qu'est ce que l'école m'emmerde, qu'est ce que les jeunes m'emmerdent, qu'est que les parents m'emmerdent. J'ai marché dix minutes sur le tapis de course pour m'échauffer un peu, je ne cours jamais, je préfère marcher vite sur le tapis roulant. J'ai ensuite fait un peu de vélo, en pédalant rapidement et nerveusement pour vraiment me faire mal aux cuisses. Le type a côté qui ne ressemble pas du tout aux gens d'ici, et qui me parait totalement exotique alors qu'a belleville, je ne le remarquerais pas, me parle trois secondes en anglais au sujet de ma position. Je suis sur l'appareil qui fait si mal aux épaules et aux bras. Je modifie le poids de 20 a 30 kilos a soulever en passant la barre derrière ma tête. Le type sympa tire 50 kilos et il sue des épaules et des bras. Je m'essuie avec ma serviette et je bois un peu d'eau. Je passe a l'exercice ou l'on doit soulever le poids avec ses jambes. Je coince un peu aux 30 kilos. Un type se pose la ceinture en cuir autour de la taille avant de soulever des haltères, j'entends souffler de plusieurs côtés. Je passe a l'appareil qui fait travailler les avant-bras en essayant de maintenir mon corps bien droit. La musique du cours de danse de l'autre côté du mur devient assourdissante. Le dernier exercice avant de quitter la salle, c'est celui ou il faut rapprocher ses genoux, un dingo a mis la barre a 50 kilos et bien entendu je n'avais pas vérifié le poids avant de m'attaquer a l’engin, je fais trois tractions et j'arrête totalement essoufflé. Je devrais mettre 20 ou 30 kilos mais j'ai plus le courage. Je bois un peu d'eau, j'essuie la sueur sur mon front, la sueur sur mon visage, la sueur sur mes bras. Un type soulève d'énormes billes qui ressemblent a des boules de bowling en poussant des cris de souffrance. Je retourne au vestiaire alors que mon corps tiraille un peu. A la gare j'achète mon billet pour varsovie, je me dis qu'une fois je devrais essayer de rentrer par Vilnius, c'est un peu plus court en bus. La jeune fille qui m'aime et dont je pourrais être le père pleure déjà à l'idée que je parte. Je m'en veux qu'elle pleure, je m'en veux qu'elle m'aime, je m'en veux. Je suis contrôlé deux fois dans le bus, pour un seul trajet, heureusement que j'ai poinçonné mon ticket grâce a un système qui devait sembler moderne dans les années 50. Il ne fait plus très froid, le temps est toujours couvert, je me demande si j'ai déjà vu la pluie par ici. J'ai encore envie de soulever des haltères. J'ai encore envie de rester en vie.

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Passer mon tour

Publié le par drink 75

Passer mon tour

Au fond la vie est une éternelle fuite. Certains s'arrêtent de courir sans que l'on sache trop pourquoi, certains s'installent procréent et décident de ne plus courir après des chimères et d'autres sont toujours a courir en rond sur la piste d'athlétisme. Moi j'ai toujours fuis, depuis l'enfance, j'ai fuis mes parents incapable de leur offrir ce qu'ils me demandaient. J'ai fuis les villes, les femmes, les appartements. Parfois je pense a mon meilleur ami, le grand garçon tout maigre qui semble ne jamais devoir s'arrêter dans le dénuement, vivre avec toujours moins, dans toujours plus petit, au milieu de personne, et je l'imagine dans son village de 150 habitants dont les trois quart ont plus de 60 ans, loin de toute grande ville, je l'imagine dans sa solitude absolue et il me tarde d'aller le voir a l'abri du monde. J'entre dans la cathédrale saint françois xavier que je voulais découvrir depuis quelques temps. Entre le dernier livre de carrère et la fille qui m'a demandé de devenir son parrain j'ai eu l'impression que la religion me rattrapait. La cathédrale orthodoxe est très doré à l'intérieur et me rappelle curieusement les fringues que portent beaucoup de femmes par ici. Ce même motif. Je suis content de me promener dans la cathédrale, c'est assez tranquille, j'ai été un peu déçu quand j'ai du me fader une messe de 3 heures a notre-dame de paris, c'est tellement touristique que tu ne peux même pas apprécier l'endroit, et c'est tellement grand que tu regardes le déroulement de la cérémonie sur des écrans de télévision, c'est bien simple, tu te croirais a un concert. Je pense a la fille de 40 ans qui m'a demandé de devenir son parrain, ne comprenant toujours pas pourquoi elle m'a choisi, je repense a son parcours, et je lui trouve une certaine logique, je me souviens quand j'étais jeune, beaucoup de gens en sortant de l'hôpital psychiatrique se tournaient vers la religion. J'ai connu un infirmier qui voulait que je devienne bouddhiste, et ma copine de l'époque, convaincu par icelui, récitait des mantras tibétain dans notre quatorze mètres carrés. Je me promène, erre un peu au hasard, au milieu de personne, ne sachant toujours pas ce que sera l'avenir. Cassavettes disait un truc très juste quand il disait que vieillir c'était perdre la promesse de l'inconnu, je comprends, alors que je longe le fleuve niemen et qu'il n'y a pas une âme qui vive a l'horizon, que je ne me résous pas a cette perte de l'inconnu. Je veux encore vivre ailleurs, encore rencontrer des gens que je ne connais pas, aller toujours plus loin, loin du monde. Je suis revenu depuis trop longtemps a paris, je crois que je ne parviens plus a jouer la comédie, je suis au bout d'un cycle, comme depuis toujours, je crois que ma naissance était déjà la fin d'un putain de cycle. Je remonte les escaliers pour rejoindre le pont qui enjambe le niemen, je suis entre deux rives, il y a un cadenas accroché tout seul a une rembarde en fer au milieu du pont, une voiture me dépasse, la vie est une voiture dans laquelle je n'arriverais pas a monter, la vie est une voiture que je ne pourrais jamais rattrapper.

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Vies verglacées

Publié le par drink 75

Vies verglacées

Il y a des portraits au mur, des hommes jeunes, ils sont tous nés dans les années 60, plutôt vers le milieu et la fin, dans les mêmes années que moi, et ils sont tous morts dans les années 80, plutôt au début ou au milieu. Ça recouvre un mur, je compte, ça doit faire des dizaines, 40 ou 50, je reste devant les portraits de ces hommes morts a moins de 20 ans pour une folie, pour rien, j'aimerais que les gens qui disent que tout est toujours de la faute des américains m'expliquent pourquoi ces hommes sont morts. Pour qui ? Peut-être le chant du cygne d'une idéologie a bout de souffle, peut-être tout simplement une allégorie de l'écroulement de ce bloc qui deviendrait bientôt des multitudes de pays. Je sors dehors, je ferme la veste que m'a donné l'homme qui semble m’adorer pour une raison que j'ignore, sans doute parce que je picole, l'autre jour quand on a eu fini la seconde bouteille de whisky, j'ai proposé d'aller en acheter une troisième et il m'a applaudit et m'a serré la main comme si je méritais le respect. J'enfile mes gants et je recouvre ma tête d'un bonnet, la neige a totalement fondu mais le froid reste sec, et surtout un vent qui semble venir de lituanie pince un peu les joues et le coeur. Le plafond est bas, en fait ce que j'apprends du climat d'ici c'est que le plafond est toujours bas, un peu comme a los angeles ou l'on ne voit jamais le ciel, et puis c'est sec, il neige, il fait très froid, mais le temps est sec. Il ne pleut presque jamais. C'est ce que j'aime dans le climat d'ici, au fond bruxelles m'aura dégouté de l'humidité. C'est mon troisième séjour ici, la monnaie continue sa lente dégringolade, il me suffit maintenant de 40 euros pour obtenir un million de la monnaie locale, il y moins d'un an, il m'en fallait 50. Tout le monde travaille aujourd'hui, pour rattraper le pont du lundi, mardi est un jour très important, c'est la journée de la femme, et ici c'est férié, du coup le lundi est accordé aussi mais il faut travailler le samedi. Les pays communistes, il n'y a pas a chier, ils s'emmerdent pas avec le code du travail. Il y a des multitudes de vendeurs de fleurs dans la rue, en fait je me rends compte que cette journée de la femme s'apparente plus a la fête des mères chez nous. Je me tâte pour aller traîner vers les marchés aux puces, quelques jours auparavant j'ai pu constater a quel point la crise frappait durement le pays car un magasin sur deux est fermé dans tout les marchés ouverts ou fermés de la ville. Je m'arrête pour acheter une crêpe au jambon, et je m'assieds dans le froid sur un banc, pas très loin de la statue de lénine. Ensuite, je réussis a récupérer un trolley bus et je me demande si venir dans un pays ou l'alcoolisme fait des ravages est vraiment le meilleur moyen d'arrêter de boire. Je risque de devenir un buveur contenu, un type jamais vraiment ivre, mais jamais a jeun. La veille j'ai passé la soirée avec le garçon venu du nigéria que j'ai hébergé une nuit a paris, il m'a demandé si je pouvais l'héberger a nouveau au mois d'aout pour une semaine quand il viendrait, nous avons vidé tranquillement nos deux bouteilles d'un litre et demie de bière, elle n'est pas forte ici comme dans tout les pays de l'est, tu n'as pas le début de l'ivresse avant 5 litres. J'ai bien vu que le garçon du nigéria continuait de me prendre pour un extra-terrestre que je lui ai dis que je viendrais peut-être vivre ici et que je quitterais paris. Tout le monde me prend pour un dingue. Alors que je descends du bus et que je remonte l'avenue aux immeubles tous identiques, je repense a tous ces jeunes morts en afghanistan au début des années 80, morts pour un pays qui n'existerait plus dix ans plus tard. Ils n'auront jamais connu leur nouveau pays né moins de 10 ans après leur mort. Ces portraits m'obsèdent un peu, sans que je sache trop pourquoi, sans que je ne sache trop. Pourquoi ?

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Le bout de l'amer

Publié le par drink 75

Le bout de l'amer

Au fond je n'étais pas fais pour voguer en mer. Je l'ai compris assez vite. A peine je m'étais éloigné du port. Ce matin, je regarde par la fenêtre le paysage un peu brut, comme un cauchemar architectural. La neige avec fondu, aussi brusquement qu'elle était revenu. Il y a quelques semaines la température a vraiment beaucoup baissé par ici et il fallait des bottes pour marcher, plusieurs centimètres de neige recouvraient les trottoirs et les pelouses qui séparent les barres d'immeubles entre elles. Et puis la pluie a tout effacé. Je bois mon café devant la fenêtre, essayant de revenir sur ses derniers mois, j'ai l'impression qu'une vie a passé depuis que le fantôme m'a quittée, et puis encore une autre depuis que j'ai quitté le port. Mes vies sont des certitudes d'un éternel déséquilibre. Je ne sais plus qui je suis, et chaque fois je recommence, j'efface les traces de craie sur le tableau noir et j'écris une nouvelle journée. Je suis parti depuis 6 mois et je sais bien aujourd'hui que je ne reverrais jamais le port, je crois savoir aussi que je ne reverrais jamais le fantôme mais cette idée ne parvient pas encore a franchir les barrières de mon cerveau. Il y a une douane sentimentale, un refus absolu de m'y résoudre, et je sais bien qu'un jour il faudra accepter cette idée. Ou pas. Hier, une femme m'a fait un signe de loin comme pour me dire bonjour, et les gens avec lesquels je marchais dans la rue m'ont demandé qui était-ce, surpris que je commence quelqu'un par ici ? Je n'ai jamais vu cette femme je leur ai répondu, elle m'a prit pour quelqu'un d'autre, ce qui a bien fait rire les deux jeunes filles avec lesquelles je me dirigeais vers la salle de sport, je me suis senti blasé de cette situation qui m'est toujours arrivé, et qui je crois m'arrivera partout ou je vais, on me prend pour quelqu'un d'autre. Et alors que je torturais mon corps sous l’œil sévère d'un des professeurs du lieu, alors qu'au loin la musique pénible du cours de je ne sais quel danse des jeunes filles résonnaient dans la salle de sueur et de défis, j'ai compris que c'était aussi ma force d'être un autre. Ça créerait toujours cette solitude mais ça me permettrait de n'être jamais seul, je me suis dis tout en me dirigeant vers l'appareil qui fait très très mal aux jambes. Je sais désormais que ma vie sera un astérisque, la vision tronquée d'une vie qui ne sera pas. Quitter le port m'a sauvé la vie, enfin on dit sauver la vie parce qu'on sait bien que ça n'existe pas et qu'on ne fait que reculer l'échéance, mais je ne pouvais plus rester ainsi sur mon bateau, attendant ce qui ne serait plus, espérant ce qui ne sera plus jamais. J'ai vite posé pied a terre, et je suis descendu sur un nouveau port ou j'ai décidé de me terminer a l'alcool. Je suis resté des jours et des jours, attendant que mon cœur s'arrête liquidant tout les verres et toutes les bouteilles. Ce temps me parait brumeux, il n'y avait plus rien, plus de jours, plus de nuit, plus de formes humaines, il n'y avait que des verres et des bouteilles. C'est tout ce dont je me souviens. J'ai fini a l'hôpital, c'était pas si mal au fond, sinon j'aurai sans doute fini en prison, car je n'avais plus d'argent, je vivais a crédit, toutes mes économies se sont envolés au fur et a mesure que je buvais, que je payais des verres, dans ce port là, personne ne me connaissait, tout le monde s'en foutait que je dépense mon fric sans compter. Les mois sont passés depuis, une jeune femme s'est occupée de moi, sans que je le mérite, un peu gênée par sa jeunesse et son amour pour moi, ne sachant trop comment gérer l'amour d'une femme qui pourrait être ma fille. Je n'ai pas oublié le fantôme, je pense a elle chaque jour, je lui ai envoyé quelques messages maladroits comme des bouteilles a la mer, l'idiot que je suis a pensé qu'en la faisant souffrir, je pourrais la retrouver. De toutes façon j'ai toujours été a la ramasse, ça ne changera pas avec l'âge, bien au contraire. Il a fallu me résoudre a vendre le bateau, pour éponger mes dettes et puis au fond je n'étais pas fait pour naviguer et ce bateau c'était le fantôme et moi, ce n'était pas moi toute seul. Me voila donc revenu a terre, je suis partout et nulle part, tant que j'ai un peu d'argent j'en profite même si je sais que ça ne pourra pas durer éternellement mais ce n'est pas très grave. Je suis vivant, encore, un peu. Ici au bout du monde, alors que le jour ne va pas vraiment se lever, il tombe encore quelques flocons de neige comme si l'hiver ne voulait pas encore tout a fait lâcher l'affaire. Je ne suis ni heureux, ni triste, ni calme, ni énervé, je ne suis ni serein, ni fébrile. J'ai décidé de ne plus boire, ou plutôt mon corps a décidé pour moi, les médecins ne m'ont pas trop laissé le choix, m'expliquant que la prochaine cuite pourrait être définitive. Je ne sais pas si c'est vrai mais mon corps lui m'a clairement indiqué qu'il n'en pouvait plus, je suis maintenant entré dans l'ère de ceux qui commence a s'endormir le soir en se demandant si vraiment ils se réveilleront. J'ai échoué ici parmi les miens, la vie est difficile, pas d'argent, le froid, l'ennui, l'alcool, les hommes ne vivent pas très vieux. Je me rends compte a quel point la vie des humains est difficile. Je ne sais pas encore si je mourrais ici mais maintenant je suis prêt. Mes journées sont rythmés par la salle de sport ou j'essaie de redonner a mon corps tout ce qu'il n'a pas eu pendant de longues années, j'erre beaucoup dans la neige et le froid, ne redoutant pas que l'hiver ne finisse jamais comme beaucoup des gens d'ici. J'apprends un peu la langue et les coutumes. Si je pense au fantôme, je ne pense plus a la vie d'avant, je sais bien qu'elle n'a plus lieu d'être, en attendant j'essaie de ne pas abîmer les souvenirs que j'ai d'avant, j'ai voulu boire et encore boire pour les oublier mais ce n'est pas possible, c'est comme vouloir atrophier son cerveau ou effacer ce qui n'est pas effaçable, alors en attendant je vais parfois visiter mes souvenirs, je m'en nourris, je pleure un peu. Je vais visiter le cimetière de ce que fut ma vie d'avant même si je sais bien qu'elle n'existe plus. J'ai fini de boire mon café et on dirait que la neige a cessé. Mais je commence a bien comprendre le bout du monde pour savoir que le ciel ne se lèvera pas aujourd'hui. Ce n'est pas grave. Ce sera peut-être pour demain. Et si ce n'est pas pour demain et bien j'attendrais. Le jour d'après.

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